Dans l'action publique, les 20 dernières années ont vu se multiplier les approches orientées innovation, qu'il s'agisse de la transformation publique, en passant par le numérique (les civic tech) et les tiers lieux, les communs, le design des politiques publiques, la participation citoyenne, ou l'intelligence collective !

Toutes ces approches sont pertinentes et utiles et magnifiquement représentées dans ce schéma. Vu l'ampleur de la tâche on a besoin de la diversité de ces cadres d'action. Mais à mon sens ils méritent d'être pris dans un mouvement d'ensemble lisible et accessible pour l'ensemble des acteurs publics. Au fond, qu'est-ce qu'on fait quand on pratique tout ça ? On pratique des expériences d'intérêt général. C'est cette notion que je vous propose d'explorer.

Prémisses à casser

Parler d'expérience d'intérêt général dans un contexte d'action publique peut susciter un trouble. "Faire des expériences" n'est-ce pas inciter les fonctionnaires à prendre les gens pour des cobayes, les instrumentaliser ? Et puis l'intérêt général, c'est une prérogative d'élu. En France, l'intérêt général ne saurait arriver du bas, mais doit s'exprimer depuis des élus qui transcendent les intérêt particuliers, portés qu'ils sont par un pouvoir de représentation confié par peuple à l'issue des élections. Ces prémisses sont pour moi, comme on dit en Belgique, une "pièce à casser".

Des élus porteurs d'un intérêt général consensuel et des agents publics qui appliquent des solutions efficaces... on en est très loin ! La participation aux élections n'est que l'arbre qui cache la forêt de la manière dont l'action publique est vécue par les gens. Et si je trouve important de ne pas idéaliser une proximité des collectivités qui en ferait les champions de la confiance par opposition à l'Etat, je n'oublie pas que les sondés déclarent globalement des sentiments très négatifs sur "la politique".

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Il convient de distinguer ce que la langue française confond. En anglais, politics et policy sont deux mots, le premier pour les affaires partisanes et les élections et le second pour le champ des politiques publiques. C'est dans ce second champ que j'exerce et que je me situe. Ma conviction est qu'il est parfaitement inutile d'appeler à la confiance dans le vide, ou de se lamenter de la défiance sans trouver des voies pour développer des expériences concrètes (pléonasme).

Comment faire alors pour sortir de ce marasme ? Aucune baguette magique, aucune solution technique ou numérique, mais des expériences permettant à chacun d'entrer en résonance avec ce qui l'entoure. Le philosophe Hartmut Rosa dans son livre Résonance. Une sociologie de la relation au monde critiqué ici par Marc-Antoine Pencolé l'explique très bien :

La résonance se caractériserait par deux mouvements complémentaires : d’un côté, une ouverture au monde, une capacité à l’inviter et à se voir affecté par lui ; d’un autre côté, le pouvoir d’y agir, et de reconnaître notre activité en lui. À l’opposé d’une relation résonnante au monde, l’auteur décrit une relation muette et froide à un monde réduit à ses qualités instrumentales, ou une relation passive à un monde qui ne peut être que subi ; la résonance vient avec le sentiment d’être porté et non jeté dans le monde, de l’éprouver comme « responsif », attrayant, et non répulsif ou dangereux.

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Et si un des rôles des acteurs publics était de multiplier les occasions de résonances orientées vers l'intérêt général ? Quoi de plus efficace que de se réapproprier ensemble l'intérêt général ? La tâche est immense et les enjeux vertigineux.

La politique est est pour moi l'art de créer les conditions de possibilités d'expériences d'intérêt général réussies. Et si la notion permettait, par l'action, de redonner un peu de sens au mot politique ?

Forger un concept opérationnel

D'où je parle ? J'ai exercé pendant 15 ans dans le domaine des bibliothèques et des sciences de l'information où j'y ai forgé le concept opérationnel de Médiation numérique des savoirs. C'était au moment où le numérique questionnait profondément les pratiques professionnelles des bibliothécaires il y avait beaucoup à réinventer ! Un blog, des centaines de formations, d'accompagnements au changement et un livre plus tard, j'ai décidé d'élargir le spectre, surement parce que les utopies d'un numérique émancipateur se sont émoussées.

Désormais mon activité se déploie au sein d'un laboratoire des politiques publiques bien au delà du secteur des bibliothèques et mon champ n'est plus seulement celui des politiques culturelles et des sciences de l'information, mais l'ensemble des politiques publiques.

Au quotidien, nous identifions avec des agents publics des "questions de conception" et nous missions des équipes de concepteurs pour tenter de trouver, par l'expérimentation, des dispsoitifs qui améliorent. Ces démarches sont riches et passionnantes et prennent toute leur dimension sur le terrain, avec les gens.

Le laboratoire auquel j'appartiens mobilise ainsi le design des politiques publiques et l'intelligence collective pour trouver de nouveaux dispositifs et pour mieux travailler ensemble.

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